Ma soeur, précieuse princesse que je n’aurais voulu voir partir pour rien au monde. C’est comme si elle avait encore dix printemps à mes yeux, insouciante et bornée. Jamais Pimprenelle n’avait appris de ses erreurs, ni moi des miennes. Muse magique, douée de ses mains, sans elle j’avais peur de ne plus arriver à travailler aussi bien, faible. Me reviendrait-elle ? J’avais perdu Roland pour mon plus grand bonheur, mais supporterais-je de la perdre  ? Femme de ma vie, enfant colérique et indomptable, elle allait devenir une femme. La femme d’un ami, j’encaisse la nouvelle difficilement, me sentant trahi, tant par lui que par mon paternel. Ami, néanmoins animal. Il l’a vendu comme de la chair à canon, à une famille qui ne la méritait pas. Princesse de France condamnée à n’être que la femme d’une bête, bien que celle du Gévaudan, ça me rendait fou. Fou au point de ne parler à Balzac depuis. Le temps d’encaisser la nouvelle, d’apprendre à encaisser ce que je considérais comme un échec. L’état de Pimprenelle me préoccupait, dieu sait ce qu’elle pourrait faire furieuse comme elle l’était. J’allais toquer à sa chambre ce soir, mais l’absence de réponse me donne plus de clef que je ne l’imaginais. Evidemment qu’elle était sortie, quel sorcier resterait sagement chez soit ce soir ? Remettant mon masque, j’étais vêtu d’une tenue de noble médiéval, couvert par un loup classique, aussi noir que le reste de ma tenue qui était seulement paré de quelques touches dorées.

Je rejoignais mon ami, non sans une certaine appréhension. Balzac un ami de toujours, fiancé à ma soeur, la situation m’aurait paru ironique si on me l’avait annoncé par un tiers. Mais cela semblait plausible, le chef de famille sans épouse à son âge avait une urgence à prendre épouse, je l’avais compris. Le point de rendez-vous était proche, et même vêtue ainsi, on pouvait le reconnaître, grand et sec. M’approchant je tends une poignée main amicale, habituelle. Je lui en tiendrait rigueur, de ma soeur, si les choses tournaient mal. « Puissions-nous trouver taverne agréable ce soir !  »  Nous étions là pour cela après tout. Au loin, nous entendions le vacarme de la fête, et nous faisons dépasser par les passants vêtus pour l’occasion.
(...) Et nous avions trouvé, une table dans l’une des tavernes de rues, installées pour l’occasion. Un peu éloigné de la foule. Un verre à la main que je porte à mes lèvres, nous parlions peu,  amitié étrange que nous avions. Nous avons bu jusqu’ici. Et le silence fut presque total, pourtant sur le bout de la langue, je laisse échapper ma question avec une absence de délicatesse qui témoigne seulement de mon énervement.   « Pourquoi elle  ? » Il ne fallait pas avoir fait magie supérieure pour comprendre ma question, et à qui elle se référait. Je voulais savoir, c’était aussi simple que cela. Lui-même avait des soeurs.

 
Créature nocturne, au poing abimé par une énième déconvenue qui était venu te frapper dans la semaine. Tu n'étais que trop peu apte à contrôler les aléas de ses émotions. Bien trop forte, bien trop violente. C'était ainsi à chaque fois que la lune commençait à se faire de plus en plus visible dans le ciel. Les cheveux éclaircis par les rayons lunaires qui seraient d'ici une semaine à peine, pleine. Tu avais accepté, sans prendre le temps d'y réfléchir de sortir en cette soirée de festivité.
Tu aurais simplement pu ruminer sur ton sors, qui s'approchait bien trop rapidement. Ses chaines que tu allais bientôt porter, cette vie qui allait maintenant changer. Mais tu avais accepté uniquement car c'était Lucien qui avait proposé. Une autre personne n'aurait eu qu'un vulgaire non de ta part. Tu t'étais en rien quelqu'un qui s'adonnait à des festivités en tous genres. Encore moins car le lendemain tu allais te lier à quelqu'un d'autres, jusqu'à ce que la mort vienne vous rendre votre liberté. Vêtu entièrement de noir, et portant le masque d'un loup, qui ne semblait souligner qu'une ironie de ta part, car si les autres semblaient chercher à cacher leurs identités, toi, tu étais le seul qui semblait afficher ouvertement tes couleurs.
« Puissions-nous trouver taverne agréable ce soir ! » Un haussement d'épaules en guises de réponse. Tu étais probablement moins tatillon sur l'état des endroits ou tu pouvais boire simplement pour passer le temps. Chose qui t'arrivait de faire, parfois, mais généralement lorsque tu étais seul avec ton ombre.

C'était sans difficulté malgré les sorciers qui étaient bien trop nombreux dans les lieux, que vous trouviez une place dans une rue un peu à l'écart de la place centrale. Ils préféraient probablement regarder le feu consumer leurs dernières pensées pour les morts. Désireux de croiser les visages des défunts qui les avaient quittés. Toi, tu avais cette mauvaise impression que tu allais croiser le visage, de ce père que tu avais tué. C'était finalement entre les échos des rires et des cris qui étaient caractéristiques de cette soirée, qu'il finit par aborder le sujet tant évité depuis l'annonce de tes fiançailles. C'était après toute sa dernière chance de le faire avant que tu deviennes officiellement le mari de sa soeur. « Pourquoi elle  ? » Elle s'entr'ouvre ta bouche, laissant l'ivoire de tes dents apparaître sous ton masque. Et pourtant tu ne savais pas réellement quoi répondre à cette question. Tu n'avais pas réellement réfléchi, tu avais suivi les conseils des uns, surtout celui de ton oncle. Lorsque Aurèle t'avait proposé la main de sa fille. Nerveusement, tes doigts vinrent tapoter le bois de la table, et finalement tu reculas pour mieux laisser ton dos se faire supporter par la chaise où tu avais pris place. Tu n'avais jamais caché ta réserve face à un mariage, même avant que tu ne sois le chef de ta lignée. Tu les avais volontairement fait prolonger les fiançailles qui te liaient avec feu Mireille Pont-mercy, avant que celle-ci trépasse.
« Ah, parce qu'on peux dire non à ton père ? » Ironie dans ta voix que tu ne caches pas. Si tu étais loin d'être des têtes savantes de ta génération, tu n'en étais pas moins assez attentif pour connaitre les réputations de ceux avec qui tu étais en affaires. Léon t'avait également dit, qu'il était peu convenable de refuser la main d'un homme avec lequel on faisait affaire depuis des années.
Le serveur s'approcha de votre table, et tu commentas, un whisky pur feu, comme à ton habitude. Cependant, pour ce soir ce serait la bouteille que tu avais simplement réclamée. Comme pour préserver ton temps dans la quête du serveur à chaque fois que ton verre serait vide. Tu étais bien assez grand pour le remplir seul. « C'est pour ça que tu voulais sortir ce soir ? » pour parler de ta soeur ? pensé qui était bien trop perceptible aux oreilles de ton ami. Laissant échapper un souffle d'agacement, comme si tu réalisais que tu aurais du t'en douter.

« Ah, parce qu'on peux dire non à ton père ?  »  Je laisse échapper un rire, et lève un sourcil d’approbation. Je ne peux qu’approuver l’ironie dans sa voix, et n’a pas une réponse plus approprié que la sienne. On ne dit pas non à mon père, Pimprenelle s’y hasarder, et le résultat se solde généralement mal. Preuve étant que même de toutes ses forces, elle n’avait pu l'empêcher. Je commande un whisky également, plus raisonnable que mon ami qui demande une bouteille Sans doute devrais-je lui fournir une potion contre la gueule de bois demain. « C'est pour ça que tu voulais sortir ce soir ? » Je sens son agacement, mais quand Balzac Chastel n’était-il pas blasé par le monde qui l'entourait ?


« Sinon on peut aussi parler de la fin de ta vie en paix, sans femme. » Dis-je avec humour. J’en sais quelques choses, les femmes, c’était un calvair, et je connaissais par coeur celle qui allait devenir la sienne, il n’allait pas rigoler tous les jours. « Ca me laissait moins de vingt quatre heures pour aborder le sujet, j’ai saisi l’opportunité de fuir ma femme pour parler de la tienne. » Me voilà philosophe. Pourtant, c’était si vrai, les femmes quelle plaie. Et c’était l’un des rares amis que j’avais, alors je devais parler de ce qui me préoccupait, ne souhaitant pas le perdre. Mais, demain tout aurait changé, enfin, ma soeur l'épouserai. Sa résilience m’étonnait, et je m’attendais à un coup d’éclat de sa part jusqu’au dernier moment.  « Je veux juste m’assurer qu’elle... » Ne fasse pas de connerie, et soit heureuse ? Elle avait perdu l’éclat innocent du bonheur il y a avait trop longtemps. J’espérais qu’il ne lève pas la main sur elle, comme le faisait notre père. Mais, je ne pouvais être sûr de rien. « ... m'assurer qu’elle ne s’attire pas trop d’ennuis, bien qu’elle soit très douée pour remettre en cause l’autorité. » J’espérais qu’il la traiterait avec respect, mais je connaissais les deux partis, et doutait déjà du bon déroulement du mariage en lui-même. Insoumise qu’elle était, je n’avais aucune idée de ce qu’elle avait pu préparer.  « Et prier les dieux pour qu’elle sache se tenir demain. » Notre père ne tolérerait pas un écart de sa part. Mais, elle n’en faisait qu’à sa tête, ça avait toujours été ainsi. A ces mots, ma mine un peu dubitative à ce sujet, je porte mon verre à mes lèvres.

 


« Sinon on peut aussi parler de la fin de ta vie en paix, sans femme. Ca me laissait moins de vingt quatre heures pour aborder le sujet, j’ai saisi l’opportunité de fuir ma femme pour parler de la tienne. »  Tu en es incapable de retenir une certaine nervosité parcourir ton corps, dans un frisson que tu n'appréciais que peu parcourant tes vertèbres. T'avais accepté par obligation, parce qu'on t'avait dit que c'était le mieux à faire. Mais jamais tu n'avais eu cette image de toi, avec quelqu'un à tes bras. C'était absurde, même cette pensée. Mais ce n'était que ton avis, et même si tu n'étais qu'un animal aux yeux des autres, tu savais que certaines attentent à ton égard resté celle des sorciers. Avoir une femme, en faisait partie. C'était très certainement la première chose qu'on attendait de toi en tant que chef de famille désormais.
Il posa la bouteille sur la table, ainsi que deux verres, les serveurs. Et sans un mot pour lui, tu ne fis que la saisir pour en verser son comptenu dans le verre qui t'était destiné. Reposant le contenant sur la table, Lucien était un grand garçon assez grand même pour se servir seul si l'envie était présente. Et de toute manière tu n'avais pas eu cette éducation pour lui montrer un quelconque signe de politesse à cet égard. Mais le sorcier te connaissait assez bien pour le savoir.« Je veux juste m’assurer qu’elle... ... m'assurer qu’elle ne s’attire pas trop d’ennuis, bien qu’elle soit très douée pour remettre en cause l’autorité. » Le verre entre les mains, tu te laissas simplement tomber sur le dossier de la chaise. Portant le liquide entre tes lèvres pour en avaler la moitié de ton verre en quelques gorgés. Fronçant le regard et laissant échapper un souffle qui soulignait le fait que tu avais probablement bu trop rapidement. « Je suis pas mon père. » Te contentas-tu difficilement d'articuler. C'était des mots que tu ne formulais que peu souvent, mais qui n'étaient que trop prédictibles dans ton esprit. C'était évident que tu n'avais eu pour lui que de l'amertume et de la rage. Aussi loin que ta mémoire te portait, tu étais incapable de le voir autrement. Et tu aimais pensé que tu étais différent de cet homme qui avait semé la terreur dans ta vie ainsi que cette de ta fratrie mais également dans le coeur de beaucoup de sorciers qui avait pu le croiser de son vivant. « Et prier les dieux pour qu’elle sache se tenir demain. »  Ils vinrent tapoter le bois de la table, tes doigts, posé à côté du verre à moitié vide que tu venais de reposer. Tu avais presque oublié que c'était demain que tout allait devenir différent d'une certaine manière. Et pourtant ça faisait des mois que tu n'avais de cesse que d'entendre les avis des uns et des autres à ce sujet.

« Tu ne devrais pas plutôt te soucier du fait que JE me tiennes bien demain ? »  Il s'arc ton sourcil, le regard rivé sur ton ami, quelque peu provocateur dans ce que tu laissais en suspens. Pour simplement, reporter ton regard sur le verre que tu vins saisir aussi rapidement que tu l'avais posé pour le porter à nouveau entre tes lèvres pour le vider. Dans un souffle, et sur le bruit du verre qui rencontrait le bois, tu te redressas quelque peu pour t'approcher de Lucien. « Au mieux, il n'y aura pas de mariage. Je pense que tout le monde serait plus heureux si c'était ainsi. Sauf ton père. Et ma mère probablement trop enjoué d'avoir une nouvelle poupée à qui brosser les cheveux. » En saisissant la bouteille à nouveau, tu esquissas un rire mauvais. Sur cette pensée, sur cette mère que tu apprécier autant que tu avais aimé ton père. « Elle ma promis de bien se tenir en échange de la présence de Roland. » Fini tu simplement par ajouter en remplissant ton verre.

« Je suis pas mon père. »  On aspire tous à ne pas trop ressembler à son paternel, enfin moi aussi fayot sois-je il ne me déplairait pas de lui ressembler, sur certains points tout du moins. J’essayais de ne pas être aussi dur avec mon fils qu’il avait pu l’être avec moi, ou mes frères et soeurs. J’avais la chance d’avoir un fils, et ne pas avoir de fille à élever, grand bien me fasse.Bien sur que Balzac n’était pas son père, j’avais dû le croiser une à deux fois dans ma vie et à chaque fois, cette personne m’avait fait froid dans le dos, enfin “personne” c’est plutôt ironique comme appellation. « Tu ne devrais pas plutôt te soucier du fait que JE me tiennes bien demain ? » Je n’avais pas de doute quant à la tenu de Balzac, il était plus civilisé que la plupart des gens voulaient bien le croire. Un brin soupe au lait, mais, civilisé pour un Chastel - parfois. Ma soeur en revanche… Princesse sauvage qui demandait à être sans cesse rappelé à l’ordre pour avoir une conduite exemplaire selon nos standards. Elle avait trop pris ses aises à la Nouvelle Orléans, quelle bêtise avait fait notre père en l’y envoyant. Je laisse donc échapper un petit rire en portant le verre à mes lèvres avant de boire une gorgée. « Au mieux, il n'y aura pas de mariage. Je pense que tout le monde serait plus heureux si c'était ainsi. Sauf ton père. Et ma mère probablement trop enjoué d'avoir une nouvelle poupée à qui brosser les cheveux. »  Je ris, oui, nous serions moins malheureux, surtout lui et Pimprenelle. Nous autre n’avions pas plus d’implication que cela. Mais le choix de notre père était difficile à remettre en cause… « Elle ma promis de bien se tenir en échange de la présence de Roland. »  A ces mots, la gorgée passe dans le trou du dimanche, je m’étouffe et tousse. Bon sang, Roland à ce mariage ? Ca allait mal finir.

« Roland ? » Je crois m’étouffer en prononcer ce nom. Frère que je détestais au plus haut point, nous avions le même sang, mais ça s’arrêtait là. Il avait toujours été trop différent de nous, nous autre Deveraux.   « Elle fait venir ce crétin fini, père va être furieux, il y aura plus d’animation que je ne le croyais. » Lâchais-je après avoir fini de m’étouffer en portant de nouveau le verre à mes lèvres. Ca allait mal finir, de toute évidence.  « Je conseillerais à ta mère d’essayer de coiffer les cheveux de ma soeur, je l’entendais hurler quand elle était petite quand sa mère lui défaisait les noeuds dans ses cheveux, une fois, elle l’a même mordue.  » J’esquisse un sourire, quand je disais que cette enfant était une sauvage, c’était le cas.  « Ne la crois pas trop quand elle dit qu’elle va bien se tenir, la princesse tient d’avantage de la sauvage qu’autre chose. » Je pousse un soupire pour illustrer mes propos; des années de vécus avec elle. Un petit génie de la magie doublé d’une princesse avec un tempérament de sauvageonne.