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Emile était le troisième enfant de la famille Pont-Mercy, mais le deuxième garçon. Né au début du printemps de 1904, sa naissance s’était faite sans heurt dans une famille déjà bien connue. Ses premières années, entouré de ses frères et sœurs plus vieux et jeunes et autres cousins se firent sans problème, lui qui était curieux de nature et intéressé par tout ce que ses parents faisaient. Toujours en bon terme avec sa famille, le jeune enfant avait toujours eu un côté aventurier qui ne l’a jamais quitté, une envie incommensurable de cerner les limites de ce qui était faisable ou non pour son propre plaisir, de remettre en question ce qu’on lui inculquait comme étant un fait inaliénable, de comprendre tout simplement. C’est en grandissant dans ce cadre à la fois cloisonné par des règles strictes et un futur tout tracé et son envie de liberté accompagné de sa fratrie qu’il s’épanouissait jusqu’à son entrée à Beauxbâtons. Là, c’est pourtant avec une surprise non dissimulée qu’il se retrouva malgré lui chez les Lachésis. Lorsqu’il l’annonça à sa famille, cela ne choqua pourtant personne d’autre que lui. Il fallait dire que le petit avait toujours était loquace et savait baratiner comme personne. Raconter des histoires et parler étaient de ses passe-temps favoris et pour son âge, son vocabulaire était déjà bien conséquent.

Les années scolaires furent emplies de souvenirs, tous plus ou moins mémorables et sympathiques. Le jeune homme, comme son frère et sa sœur avant lui, dû faire face à la fascination de certains dont les familles étaient plus modestes et d’autres, qui ne juraient que par leur noblesse, les traitant de « nouveaux riches ». Cela aurait pu le vexer s’il ne s’en amusait pas, s’il ne jouait pas de son rôle d’étrangeté au milieu de ces nobliaux en culotte courte pour se faire connaître et aiguiser son verbe pour répondre tout en restant dans les clous du respect qu’ils réclamaient tant sans jamais en donner à d’autres. Il savait, lui, qu’un jour il devrait faire partie de leur cercle, ses parents ne faisaient que leur répéter sans cesse qu’ils devraient se marier avec des grands noms « pour le bien de la famille ». Cette idée le rebutait autant qu’elle l’amusait. Se marier à quelqu’un sans l’aimer lui semblait déraisonnable… Mais si c’était pour ennuyer certains de ses camarades par sa présence à de futurs soirées mondaines, il ne pouvait qu’esquisser un sourire plein de malice à l’idée qu’il se faisait de ces « retrouvailles » futures.

C’est avec des résultats bien plus que corrects qu’il sortit de son cursus scolaire et du club de débat de Beauxbâtons, avec des rêves plein la tête. Les années précédentes ne furent pas toutes roses avec l’Europe qui s’était embrasée chez les moldus et les sorciers. Certains de ses camarades ne revenaient pas à l’école d’une année à l’autre, pris dans les bombardements, d’autres finissaient sans le sou puisque le commerce familial était détruit… Puis enfin l’armistice vint et le monde retrouva la paix malgré les cicatrices encore présentes dans l’esprit de tous, et c’était justement pour tourner la page qu’il souhaitait maintenant se plonger corps et âme dans la vie active en travaillant à Cornucopia, faisant très vite preuve d’un incroyable talent pour le commerce, ayant retenant chaque leçon apprise par sa famille, y ajoutant son éloquence et ses manières charmeuses pour s’attirer le regard des clients et clientes, gravissant les échelons peu à peu au sein de l’entreprise familiale. Il se doutait bien que son aîné serait sûrement l’héritier principal par défaut. Il devait donc faire ses preuves, encore et toujours, son ambition était autre que simplement reprendre la galerie parisienne, lui voulait conquérir le monde du haut de sa majorité enfin prise. Qu’importe s’il devait être l’associé de son frère ou essayer de forcer la place de sa famille en politique par associations, il le ferait pour embrasser le monde dans sa globalité. C’est bien pour cela qu’il acceptait les règles imposées par sa famille tout en jouant sur les limites de ces dernières. Combien de fois avait-il eu des débats avec son père sur ses actions qui pourtant n’entachaient pas leurs noms ? Il avait arrêté de compter. Enfin, cette affaire se tassa lors de l’exile de sa sœur en URSS. Lui au moins n’était pas allé jusqu’à cet extrême. Certes, voir partir un membre de sa famille l’attristait mais elle faisait ce qu’elle voulait et en soit, pour cela, Emile ne pouvait que la comprendre. Ce que leur père avait oublié était que leur famille était partie de rien, de commerçants fauchés. Ils n’avaient jamais accepté aucun statuquo, ils avaient toujours avancé, étaient des visionnaires qui chamboulaient les règles et les castes établies, devenant un nom prononcé par tous par leur envie de se forger, d’agir pour eux et par eux-mêmes. Alors certes, gravir les échelons en s’immisçant dans les hautes sphères de la France était une façon de faire… Mais était-ce vraiment la leur ? La question se posait de plus en plus dans l’esprit du jeune homme qui se demandait si son père avait oublié l’essence de leur réussite, l’audace dont avaient fait ses preuve ses propres parents en enfermant ses enfants dans des cages dorées alors qu’ils pouvaient faire mieux que ça et bouleverser ce monde que le jeune homme trouvait trop étriqué pour lui. Alors il s’amusait dans les limites de ce qui était possible, côtoyait autant le gratin parisien que les gens plus modestes et avec autant d’aisance pour les uns que les autres. Certains l’appréciaient pour sa sociabilité et son élocution, d’autres le détestait, le pensant arriviste et faux. Pourtant, comme il s’amusait souvent à le dire, seul quelqu’un d’honnête peut faire exprès de paraître faux lors de ses compliments d’usages et authentique lorsqu’ils sont le vrai reflet de sa pensée.

Grandissant ainsi au sein de Cornucopia et de sa famille, voyant revenir sa tante et ses cousins sang-mêlés pour lesquels sont père avait un certain dédain là où lui les acceptait comme des membres de sa famille, il s’épanouissait, s’inquiétant malgré tout des grondements de la révolution Russe dans laquelle sa sœur pouvait être prise. Cependant, alors même qu’elle revenait en France, c’était à son tour de partir pour quelques années, pour des raisons différentes qu’elle cela dit. Pas d’amour interdit à l’horizon ou d’envie de liberté, mais il voulait voir du pays, s’inspirer de ce qu’il pouvait voir en dehors de Paris et de la France pour développer ses propres idées par la suite, voir comment le commerce familial pouvait s’améliorer en s’exportant dans d’autres contrées et pour d’autres cultures. C’est au cours de ses voyages qu’il vit la haine grandissante entre les moldus pour des croyances différentes, des frontières différentes. Il remarqua qu’ils n’avaient pas compris la leçon, qu’ils ne s’acceptaient toujours pas malgré le sang qui avait coulé il y a peu. Il entendait aussi un nom revenir souvent chez les sorciers : Grindelwald. Un nom souvent prononcé comme un murmure qui prenait de l’ampleur, vu par certains comme le salut des sorciers et par d’autres comme un monstre assoiffé de sang. On lui prêtait l’idée folle de vouloir briser le secret du monde sorcier. Croyait-il vraiment que cela était une bonne idée ? Ne voyait-il pas ce que cela pouvait engendrer ? Ou, comme le supposait Emile, il ne le savait que trop bien et voulait provoquer ce chaos, mettre le feu aux poudres pour qu’un conflit entre moldus et sorciers éclate. C’était une pure folie que le jeune homme ne pouvait réellement cautionner et qui pourtant germait de plus en plus dans l’esprit de ses pairs.

C’est en 1929 qu’il revient complètement à Paris, fort de ses expériences à travers l’Europe. Prenant alors les rennes du rayon confection de l’entreprise, rayon qu’il compte bien mener à une gloire sans précédent, ayant dans l’idée de s’associer à des grands noms de la haute-couture sorcière et faire comme ses grands-parents, révolutionnant une nouvelle fois le mode de vie et d’achat des sorciers. Dans le contre temps, l’Ordre du temple vient le trouver, ayant eu vent de son parti pris vis-à-vis de l’affaire Grindelwald bien malgré lui. Il avait pourtant l’impression que rien n’avait filtrée en dehors des personnes à qui il souhaitait en parler. N’impliquant pas sa famille dans cette histoire, il leur assura cependant son soutien personnel qui n’engageait en aucun cas les Pont-Mercy dans leur globalité. Il savait qu’un jour ou l’autre, chacun devrait choisir un camp et avait déjà une idée de celui dans lequel il voulait être, c’était aussi simple que cela.

Un an après, alors même qu’il était en négociations de nouveaux tissus à Milan, il fut alerté de la mort de Mireille, sa cadette. Cela l’attrista énormément et il revint en urgence pour être là pour sa famille. C’est pourtant aussi à cet instant précis, alors même qu’ils étaient endeuillés, que le jeune homme vit son âme se teinter d’une certaine haine pour leur père, lui qui se laissait corrompre par l’appât du gain et la reconnaissance des autres ne semblait voir en cette tragédie qu’une perte de profit. Au sein du jeune homme germait alors une envie folle de déposséder cet homme de ce qu’il avait, de changer encore une fois le destin de cette famille que Justin voulait voir danser au bout de ses doigts comme des marionnettes qu’il avait si bien dressé.